EXCLUSIF - Visé par l'Élysée, le livre blanc de Michèle
Alliot-Marie accorde au secteur privé un statut de partenaire qui
augure de nouvelles formes de coopération avec la police. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Les vigiles, agents de filtrage des aéroports et autres cerbères des
sociétés de surveillance reviennent en grâce au ministère de
l'Intérieur. «Le temps est venu de reconnaître la place du secteur
privé dans la protection de nos concitoyens» , écrit Michèle
Alliot-Marie dans un livre blanc sur «la participation de la sécurité
privée à la sécurité générale en Europe», qu'elle dévoilera lundi à
Paris. Ce document, auquel Le Figaro a eu accès, est préfacé par le
président de la République en personne.
On y découvre que la
France n'est pas la terre de répression que certains imaginaient. Elle
compte ainsi 379 policiers et gendarmes pour 100 000 habitants, contre
360 en moyenne dans l'Union (voir notre infographie). L'Italie,
l'Espagne et la Grèce la devancent de loin en termes d'effectifs
publics. Et si l'on y additionne les privés, la France recule encore
dans le classement, avec 567 agents au total pour 597 en moyenne en
Europe. Tandis que la Hongrie devient championne toutes catégories de
l'action sécuritaire, avec 1 % de sa population travaillant dans la
police ou les sociétés de surveillance.
Fruit de trois mois d'enquête de l'Institut national de hautes études de sécurité (Inhes),
épaulé par la Confédération européenne des services de sécurité (Coess)
qui regroupe 30 fédérations nationales, ce livre blanc réévalue à la
hausse le poids des privés en Europe : 1,7 million de personnes
employées par 50 000 entreprises, brassant 15 milliards d'euros de
chiffre d'affaires, pour les seules activités de surveillance humaine.
À l'heure où la France s'engage dans une Révision générale des politiques
publiques (RGPP) qui devrait lui faire perdre plusieurs milliers de
policiers d'ici à 2012, «cette étude ouvre une ère nouvelle dans la
relation public-privé», se félicite Claude Tarlet, vice-président du
syndicat européen des sociétés de sécurité privée. Nicolas Sarkozy
parle même de «coproduction» de sécurité à terme.
Le meilleur côtoie le pire Sous sa double casquette de chef de l'État et de président de l'Union, il
acte que «la demande et l'offre de sécurité se font plus pressantes et
exigeantes, en raison de l'espace laissé par la réduction nécessaire
des dépenses des États». L'acteur public n'a donc plus les moyens
d'assumer seul sa mission. Mais le renforcement du partenariat avec le
privé ne se fera pas à n'importe quel prix.
L'hôte de l'Élysée appelle d'abord à «organiser ce secteur». Selon lui, «l'harmonisation
des législations nationales en une législation européenne de la
sécurité est indispensable». Et MAM d'en fixer le cadre : «formation»
et «déontologie». Car le meilleur côtoie le pire dans la jungle des
sociétés de surveillance, certaines se muant en véritables officines,
d'autres employant même des vigiles au casier judiciaire bien rempli.
La ministre entend aussi mettre en place un Conseil économique de
sécurité, pour l'éclairer sur les risques à couvrir dans les années à
venir.
Pierre Monzani, le directeur de l'Inhes, s'est déjà lancé, avec ses équipes,
dans le recueil des bonnes pratiques. Entre les excès suédois, où les privés
outrepassent parfois leurs pouvoirs en contrôlant l'alcoolémie des passagers
sur les ferries, et ceux de la Slovaquie, noyautée par les anciens agents de l'État,
la France cherche sa voie.
Dans les dix ans qui viennent, avec 200 000 effectifs au total, le nombre de privés
dans l'Hexagone sera équivalent à celui des policiers et des gendarmes réunis.
L'insécurité ne connaît pas la crise.
Source : Lefigaro.fr