Euphémismes, novlangue à connotation positive, dans le domaine de la sécurité l'inventivité est sans limite. A ne pas prendre au pied de la lettre.
1) La "vidéoprotection"
Si la vidéosurveillance fait craindre une société de contrôle, qui pourrait s’opposer à la “protection” offerte par les caméras? La Loppsi 2 consacre le nouveau terme, déjà adopté depuis trois ou quatre ans par les partisans de l'extension des systèmes de vidéosurveillance.
Le député-maire d'Orléans, Serge Grouard, est le premier à l'employer à l'Assemblée, en novembre 2006. Désormais on utilise “vidéoprotection” dans les discours publics, sur le site du ministère de l’Intérieur, sous la plume de la Cnil et dans la presse. Peu importe les reproches adressés (entre autres) par la Cour des comptes, les Français sont à l’abri, un point c’est tout. Le choix de "vidéosurveillance" ou "vidéoprotection" révèle aujourd'hui l'avis de celui qui parle.
2) Les armes "non létales"
Flashballs, lanceurs de balles de défense, pistolets à impulsion électrique : ces armes de maintien de l’ordre n’étant pas destinées à infliger une blessure mortelle, elles sont baptisées “non létales” ou “sublétales”. Plus rarement “incapacitantes”, un terme pourtant plus à même de définir leur vraie fonction.
Présentées comme le meilleur moyen d'éviter le recours aux armes à feu, elles remplacent plutôt la matraque. Et leur "non-létalité" ne les empêche pas d'avoir une portée très dangereuse si elles sont mal utilisées.
3) Les "reconduites à la frontière"
Le droit des étrangers regorge de ces petits euphémismes technocratiques : on dira "reconduite à la frontière" plutôt qu'expulsion, "aide au retour volontaire" au lieu d'expulsion monnayée, "mesure d'éloignement", etc.
4) Gardiens de la paix / forces de l’ordre
Un policier attaqué dans l'exercice de ses fonctions s'appelle un gardien de la paix. Un policier qui charge en manif appartient aux forces de l'ordre.
5) La "participation citoyenne" à la lutte contre la délinquance
"Pour votre sécurité, merci de nous signaler tout colis abandonné." Le plan Vigipirate contre le terrorisme (au niveau "rouge" depuis six ans) a habitué les Français à lorgner le "comportement suspect" des voisins. D'autres initiatives locales ou nationales visent à inclure les usagers-citoyens dans la prévention et la dénonciation des crimes et délits, au nom de la "vigilance".
Avec l'opération "voisins vigilants", on peut surveiller les logements vides et le courrier de ses voisins et signaler tout truc bizarre aux autorités. Pour l'instant, rappelle Rue89, les volontaires n'affluent pas. S'inspirant du "neighbourhood watch" anglo-saxon, l'expérience a été inaugurée dans les Alpes-Maritimes en 2007.
6) L'audition "libre"
Le projet de loi sur la réforme de la garde à vue prévoyait cette alternative à la privation de liberté. Ca ne veut pas dire que l'auditionné est libre d'aller se promener, seulement que l'audition se passe hors la présence de l'avocat. Cette mesure a été supprimée en cours de procédure législative, reste cette belle expression, l'audition libre.
7) Le décèlement précoce
"Il faut arrêter l’infraction avant qu’elle soit commise. Il faut déceler les tendances criminelles chez tous les individus suspects d’avoir l’intention de commettre des crimes." Le tableau dressé par l'avocat Thierry Lévy rappelle le film Minority Report.
La doctrine du "décèlement précoce" a été popularisée par le Département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines, auquel appartient notamment le criminologue médiatique Alain Bauer. Le DRMCC donne un aperçu de la notion en 2005 :
"Dans un chaos où règnent l’attaque inopinée et l’adversaire impalpable, déceler tôt les menaces consiste à chercher la lumière, non vers l’arrière (et le passé), mais vers l’avant (et le futur) ; en effet : 'à l’aube, c’est à la lumière du jour encore à venir que l’on voit'"
Voilà, médite là-dessus coco.
8) Les interceptions de sécurité
Autre nom des écoutes administratives. Plus controversées parce que plus "politiques" que les écoutes "judiciaires", les écoutes administratives doivent être approuvées par la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). Mais l'institution a déjà dû rappeler la procédure aux services de renseignement, qui ont tendance à s'en passer.
9) Le tir ami
Balle mortelle décernée par un copain. Aussi appelé "tir fratricide" dans une ultime tentative de désamorcer l'oxymore. Pire que le tir ami sobre, le tir ami saoul (pardon).
10) La sanctuarisation des établissements scolaires
Le bunker bénéficiant d'un capital sympathie inférieur au sanctuaire parmi la population, un ministre de l'Education nationale préférera faire référence au second qu'au premier.
Il faut "sanctuariser les établissements scolaires vulnérable", martèlent Nicolas Sarkozy, Luc Chatel et Brice Hortefeux. Pour ceci on optera pour des grilles, des badges, de la vidéoprotection (lire plus haut) ou des policiers.
LU ICI :
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Sujet: Que signifie APS ? 
Mar 12 Juil 2011 - 17:58
