TESTING

Faire du testing en toute légalité

lundi 30 janvier 2006.

Par Elsa Perez

Un CV remisé pour cause de nom à consonance peu française, une promotion refusée à une future mère de famille, un agent immobilier déboutant un couple homosexuel ? Ces discriminations rythment trop souvent la vie quotidienne des “ minorités ”. Les associations disposent aujourd’hui d’un moyen pour les débusquer : le testing. Cette méthode, qui consiste à reproduire artificiellement une situation propice à la discrimination pour voir comment réagit une structure soupçonnée de pratiquer des “ préférences coupables ”, aurait été inventée à Paris en 1939. Des étudiants antillais refusés dans une boîte de nuit du quartier latin, le Victoria, décident de vérifier si cette fin de non recevoir est vraiment due à leur couleur de peau en envoyant successivement des couples blancs et noirs. Rapportée par un journal américain, la méthode connait un vif succés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne avant d’être réimportée en France dans les années 1980-1990 par le MRAP et SOS Racisme. Aujourd’hui en passe d’être légalisé, le testing est officiellement reconnu comme une arme de lutte contre les discriminations. Organisées et capables de mobiliser des “ testeurs ”, les associations sont évidemment les mieux placées pour réaliser ce type d’expériences. Mais attention, pour qu’un testing soit reconnu comme preuve par les tribunaux et qu’il soit efficace, il doit répondre à quelques règles.

1. Connaître la loi

Les magistrats ont mis du temps à accepter le testing comme preuve. En 2000, la Cour d’appel de Montpellier avait été saisie après un testing dans des discothèques de l’Herrault. La Cour avait statué que les résultats obtenus n’avaient pas “ valeur de preuve en justice ” car l’opération avait été “ réalisée de manière unilatérale par l’association ”, qu’elle s’était “ déroulée sans aucune intervention d’un officier de justice ou d’un huissier de justice ”. Il s’agissait donc d’un mode de preuve “ qui n’offre aucune transparence et n’est pas empreint de la loyauté nécessaire à la recherche de preuves en procédure pénale et porte atteinte aux droits de la défense ”.

La Cour de Cassation, par un arrêt rendu le 11 juin 2002, a donné tort à la Cour d’appel de Montpellier et statué que le testing pouvait être reçu en justice en application du principe de liberté de la preuve (art. 427 du Code de procédure pénale).

Les juges sont cependant restés réticents à admettre les résultats du testing dans leur cour. Le projet de loi sur l’égalité des chances, présentée le 18 janvier 2006, devrait finir de les convaincre. L’article 21 légalise en effet “ la pratique des vérifications à l’improviste aussi appelées testing comme moyen de preuve d’éventuelles discriminations ”. Cette légalisation se fera par le biais d’un article inséré dans le Code pénal (art. 225-3-1) selon lequel les délits de discrimination “ sont constitués même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens, actes, services ou contrats (...) dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire dès lors que la preuve de ce comportement est établie, notamment par des constatations effectuées par un officier public ou ministériel.”.

2. Organiser un testing

- Définissez vos objectifs

Le testing peut avoir plusieurs finalités. Il peut servir à confondre une entreprise soupçonnée de discrimination. C’est à cette fin qu’il a été utilisé dans les discothèques de l’Hérault ou lors de tests menés auprès d’agences immobilières. Il peut également permettre de dénoncer des discriminations généralisées, menées à l’encontre d’une ou plusieurs minorités. L’Observatoire des discriminations de Paris I (Cergors) a ainsi mené une large étude sur les discriminations à l’emploi auprès de plus de 300 entreprises.

Le premier type de testing est sans doute plus adapté aux associations. D’abord car il implique de mobiliser moins de moyens, d’autre part car il permet de se concentrer sur les discriminations envers une minorité, ce qui s’adapte mieux aux luttes particulières de chaque organisation.

- Etablissez un protocole d’enquète

Quels que soient vos objectifs, le protocole devra obéir à plusieurs règles.

Se baser sur un échantillon représentatif. L’important est que vos résultats ne puissent pas être contestés. Plus le nombre de tests sera important, moins il prêtera à contestation. Si vous testez, par exemple, une discothèque, envoyez le plus grand nombre possible de groupes. Refuser l’accès une fois à un couple maghrébin ne veut rien dire. En renvoyer dix et accepter de faire entrer dix européens a valeur de preuve. Il est donc important de pouvoir mobiliser un grand nombre de bénévoles. Pour cela n’hésitez pas à rendre l’opération festive en organisant, par exemple, un repas ou une fête après l’opération.

Isoler vos variables. Pour prouver que les candidats ou clients sont rejetés pour leur appartenance ethnique ou religieuse, leur sexe ou orientation sexuelle, il faut que ces variables expliquent seules les décisions du testé. Dans le cadre de son enquête sur les discriminations à l’embauche, le Cergors a ainsi utilisé la méthode de “ l’audit par couple ”. 2 CV sont envoyés à chaque entreprise : celui d’un homme blanc “ standard ”, et un autre parfaitement identique ou seule la variable diffère. Pour ne pas éveiller les soupçons, la présentation du CV ainsi que le lieu et la date d’envoi étaient différents.

Identifier le responsable. Pas facile de savoir qui, de l’agence immobilière ou du propriétaire, du DRH ou du PDG, est coupable de discrimination. Dans son enquête, le Cergors a ainsi eu du mal à savoir si la décision de ne pas répondre aux minorités venait de l’ANPE ou des entreprises elles-mêmes. Si vous souhaitez confondre une structure et porter, ensuite, plainte contre elle, il est pourtant primordiale d’établir clairement les responsabilités de chacun. Vous pouvez rechercher des appuis au sein des structures testées. Une agence immobilière de Limoges a ainsi récemment accepté d’aider à “ tester ” un propriétaire coupable de discriminations.

- Contactez un “ officier public ”

L’article 225-3-1 du Code Pénal légalise le testing “ dès lors que la preuve de ce comportement est établie, notamment par des constatations effectuées par un officier public ou ministériel.” Un officier public ou ministériel peut être un avoué auprès des cours d’appel, un huissier de justice, un notaire, un avocat au conseil d’Etat ou à la Cour de cassation. Leurs services coûtent malheureusement assez cher : jusqu’à 650 euros pour un huissier.

Si votre association ne peut pas avancer cette somme, adresssez-vous à une COPEC. Chargées de mettre en relation les services de l’Etat, les partenaires locaux et le monde associatif, elles pourront notamment vous diriger vers des services d’aide juridique.

Vous pouvez également faire appel aux services de police. Gratuits, ces derniers peuvent appuyer votre testing par une enquête, à condition que vous leur donniez les éléments suffisants.

3. Donner une suite au testing

- Portez plainte.

Vous pouvez porter plainte au nom d’un particulier, victime de discirmination. Votre association peut également se porter partie civile Fiche pratique "Les associations et la justice". Coupable de discrimiation, une personne physique enquiert jusqu’à 5 000 euros d’amende ; une personne morale 25 000 euros.

- Pratiquez le naming shaming.

Cette sanction, plus pernicieuse, consiste à publier le nom des entreprises reconnues coupables de discrimination dans les médias. Les retombées pour les finances et la réputation de ces établissements à vocation commerciale sont généralement douloureuses, et donc dissuasives pour leur concurrents.

A vous de rendre votre testing le plus médiatique possible : prévenez les médias visant la cible touchée commercialement par la structure mise en cause, communiquez sur le déroulé de votre testing et ses résultats. Si votre association est déjà relayée par des médias à elle (journal, site Internet...) n’hésitez pas à publier les résultats de vos expériences.

Pour toucher plus directement encore la clientèle de votre testé, vous pouvez, enfin, vous poster à l’entrée un jour de grande affluence en prévenant tous ceux qui y entrent de la nature exacte de ce commerce.

Mais attention, n’oubliez pas : avant décision de justice, votre testé a droit, comme n’importe qui, à la présomption d’innocence.

Top discriminations

Qui sont les plus discriminés ? Le sociologue Jean-François Amadieu (Cergors) a mené l’enquête pour le compte de l’Observatoire des discriminations. Et les gagants sont... les personnes handicapées. Elles n’ont reçu que 5 propositions d’entretien contre 75 pour un homme blanc “ standard ”. Viennent ensuite les personnes d’origine maghrébine avec 14 réponses positives ; les plus de 50 ans avec 20 ; les candidats au physique disgracieux, 33 ; les habitants du Val-Fourré (un quartier difficile), 45 ; et les femmes, 69.

C’est quoi une COPEC ?

Les COPEC (Commissions pour la promotion de l’égalité des chances et de la citoyenneté) ont remplacé les CODAC (Commissions départementales d’accès à la citoyenneté) en février 2005. Elles ont pour mission de recueillir localement les plaintes et observations des citoyens, de les étudier et, éventuellement, de les transmettre au Procureur ou aux services de police.

thecorse a écrit:

Je ne voudrais pas faire du mauvais esprit, mais faites-vous des testing au bénéfice de pompiers ou de policiers dans certaines Cités bien connues ?

????????????? A qui est-ce adressé?

A toute bonne volonté qui organise, théorise ou effectue des testing, pour extension du domaine....

thecorse a écrit:

A toute bonne volonté qui organise, théorise ou effectue des testing, pour extension du domaine....

C'est bien ce que je pensais,donc hors sujet.
Ce post a été écrit pour montré comment devait ce passé un testing et éviter bien des polémiques.
D'ailleurs c'est une info,donc je vérouille.