Fiché comme hooligan, un cameraman se rebiffe

Fiché comme hooligan, un cameraman se rebiffe

SURVEILLANCE | Suite à une altercation avec des agents de sécurité, un homme est arrêté en marge de l’Euro 08. La justice fustige son fichage.

Il n’avait rien d’un dangereux hooligan. La police s’est montrée visiblement bien zélée en fichant un cameraman indépendant interpellé en juin dernier devant la FanZone de l’Euro 08 à Plainpalais. Après avoir giclé de l’eau minérale sur un agent de sécurité, R. a été vigoureusement arrêté par six gendarmes. Il a passé quelques heures à la prison spécialement conçue pour l’occasion à Palexpo.
Moralité: l’homme, qui a notamment des mandats pour la TSR, s’est retrouvé interdit de périmètre sportif durant la manifestation. Depuis cet épisode, certes peu glorieux, il est fiché dans le système d’information fédéral antihooligans Hoogan.

Une histoire d’eau

«A cause de ces interdictions d’accès aux sites sportifs, mon client ne peut plus faire son travail de cameraman durant les manifestations sportives en Suisse et à l’étranger», déplore Me Thomas Barth. L’avocat a donc saisi le Tribunal administratif (TA) qui vient de lui donner raison: l’interdiction de périmètre ne pouvait être prononcée, conclut le TA. Et Me Barth d’annoncer: «Nous envisageons donc d’attaquer l’Etat en responsabilité à cause du manque à gagner qu’il subit depuis ce fichage absurde.»

«Ils m’ont pris pour Ben Laden»

Les ennuis pour R. ont commencé le 15 juin en début de soirée à l’entrée de la FanZone. L’homme, qui présente sa carte de presse, veut pénétrer dans l’enceinte afin de travailler devant l’écran géant jusqu’à minuit. Dans son sac à dos, quelques pommes et… une bouteille d’eau. «Vous devez acheter de l’eau sur place», lui précise une agente de sécurité, qui l’invite à se débarrasser de son pique-nique. R. ne l’entend pas de cette oreille. «Je veux parler à un responsable», dit-il. Le ton monte. Un second agent de sécurité s’en mêle. Les insultes pleuvent.

Soudain, le cameraman s’emporte et asperge un des agents d’eau minérale. Ce dernier alerte la police. Six gendarmes menottent R. qui se débat non sans distribuer encore quelques noms d’oiseaux. «Les policiers m’ont pris pour Ben Laden, déplore le détenu dans l’arrêt du TA. Ils m’ont plaqué au sol. Un policier a même tenté de m’étouffer.»

Le prévenu est ensuite conduit à Palexpo: audition, attente, frottis pour établir un profil ADN. Il en ressort vers 22 h 45, épuisé et poursuivi pour voies de faits, injures, violences envers les autorités. Trois jours plus tard, le Parquet classera la procédure «vu l’interpellation, la garde à vue et l’interdiction d’entrée prononcée».

Qu’à cela ne tienne, en août, au Département des institutions (DI), on suit le raisonnement du commissaire de police estimant que l’intéressé a violé la loi visant au maintien de la sécurité intérieure (LMSI). «Cette législation s’applique aux personnes qui ont un comportement violent lors d’une manifestation sportive», précisait alors le DI appuyant l’interdiction de FanZone.

Mais vendredi dernier, le TA en a décidé autrement: «L’acte isolé reproché à R. ne tombe pas sous le coup de la LMSI. L’arrêt sera communiqué à l’Office fédéral de la police pour qu’il efface les données dans le fichier Hoogan.»

source : tribune de geneve