Les vigiles craignent pour leur sécurité - Témoignage

Pour Pierre Makaya et Léopold-Levane Sokory, agents de sécurité, « les gens n'ont pas conscience de la dangerosité de notre métier ».

Dans sa chambre d'hôpital, Jean-Baptiste attend sa troisième opération. Cet agent de sécurité du LC club, à Nantes, a été blessé à la cuisse en rentrant chez lui après sa nuit de travail. Ce père de famille de 52 ans risque d'avoir des séquelles. Il a été cueilli le 12 octobre au matin, à son domicile, par deux jeunes gens cagoulés et armés.

« L'un d'eux a sorti un fusil de chasse de son manteau. Il a tiré une première fois », raconte Léopold, l'ami et collègue de Jean-Baptiste, vigile au Cookoo, une autre boîte de nuit nantaise. Il n'a eu la vie sauve que parce qu'il s'est réfugié dans le bungalow d'à côté. Il a reçu un coup de feu par l'entrebâillement de la porte. Ses agresseurs ont ensuite filé, le laissant pour mort. C'est sa femme et ses enfants qui l'ont secouru.

Des menaces aux actes

Léopold fait le métier d'agent de sécurité ¯ ou « portier physionomiste » ¯ depuis quatre ans. À la porte du Cookoo, il a la difficile tâche de distinguer d'un seul coup d'oeil les fêtards des semeurs de trouble, les guincheurs encore joyeux des noctambules totalement ivres. « On travaille pour la sécurité des personnes qui viennent faire la fête, explique Léopold. Si on laisse entrer une bande qui sème la zizanie, on est directement responsable de la violence à l'intérieur de l'établissement. » Lourde responsabilité.

Pour lui comme pour ses collègues, pas de doute : « Ceux qui ont tiré sur Jean-Baptiste, c'est parce qu'il leur avait refusé l'accès. » La section de recherche de la gendarmerie a ouvert une enquête. Aucun suspect n'aurait été identifié. « On ne veut pas que ce crime reste impuni », insistent les agents de sécurité.

Le collègue de Jean-Baptiste a son idée sur le mobile de la tentative d'assassinat. « Une semaine avant, des jeunes refusés à l'entrée, car connus pour être des fauteurs de trouble, avaient menacé de le tuer. » Ce qui inquiète les videurs, c'est que la violence soit montée d'un cran, brutalement. « Les menaces se transforment en réalité. »

S'ils sont habitués à recevoir des insultes, leur « quotidien », ils n'acceptent pas pour autant de risquer leur vie pour ce travail. « On aime notre métier. On est là pour nourrir nos enfants, pas pour mourir », ose Léopold. Pierre, quinze ans de métier, portier au Cookoo, a essuyé des coups, des insultes, des noms d'oiseau. « Et même, une fois, des cocktails Molotov ou des tirs de flashball. » Il a vu ses conditions de travail se détériorer sérieusement.

La violence de la société

À la porte des boîtes de nuit, ils prennent de plein fouet la violence de la société. Le refus d'entrer en boîte, insupportable pour certains, engendre de l'agressivité. « Les gens arrivent en ayant beaucoup bu, plus souvent qu'avant », constate Pierre. Dans la journée, le portier évite le plus possible le centre de Nantes, par crainte d'être malmené. « Un jour, j'étais avec ma femme et mon enfant dans la poussette. Un type au volant de sa voiture m'a foncé dessus. »

Pierre et Léopold gagnent correctement leur vie. Mais ils ne se sentent plus protégés. « On a peur. Et on ne doit pas répliquer. Car on pourrait perdre notre carte professionnelle. » Ils envisagent de rencontrer les autorités pour alerter sur leurs conditions de travail, voire de créer une association pour défendre leurs droits.

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