Livre «Roissy, un monde secret» - Une année d'enquête

Une année d'enquête dans les entrailles de Roissy

Dans Roissy, un monde secret, Cyril Azouvi décrit cette ville fourmillante qu'est l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.

Aumôniers, puéricultrices, cuisiniers, etc. Quelque 90 000 hommes et femmes, des «seigneurs de Roissy» - les pilotes - aux «prolétaires du tarmac» (agents d'entretien, bagagistes…) s'activent jour et nuit à l'aéroport Charles-de-Gaulle. Cyril Azouvi a enquêté pendant un an dans le plus grand aéroport d'Europe, «l'un des plus mal aimés de la planète», pour raconter ce que les voyageurs ne voient pas et rencontrer grandes figures et anonymes de ce territoire équivalent au tiers de Paris.

Gérard, par exemple, l'un des quinze effaroucheurs armés d'un pistolet d'alarme, d'un fusil et de jumelles, a pour mission d'éloigner les oiseaux. «Les pires, ce sont les martinets, rien ne les effraie et ils sont trop nombreux, peste-t-il. L'été dernier, ils ont provoqué des centaines de collisions avec les avions .» L'homme traque aussi les renards. «Ils nichent au bord des pistes, c'est trop dangereux, on doit les abattre», raconte-t-il. Son souvenir le plus marquant? «Un jour, un appareil s'est posé sur quatre sangliers. Les flexibles du train d'atterrissage ont été sectionnés et il a fallu deux heures pour tout nettoyer!»

Gérard aperçoit souvent les «planespotters» et leurs téléobjectifs de paparazzi. Ces passionnés occupent leur temps libre à photographier les appareils sous tous les angles et à parcourir le monde pour ajouter les modèles les plus rares à leur collection. Mike, un Allemand, arrive ainsi de Düsseldorf «pour prendre des clichés d'un avion d'AirAsia». Quelque cinq cents planespotters auraient leurs habitudes à Roissy, dont «des contrôleurs, des stewards et des pilotes de ligne». Parmi les endroits les plus secrets de l'aéroport, l'auteur a pénétré dans le pavillon de réception, réservé aux grands de ce monde. «Certains chefs d'État sont plus soupçonneux que d'autres, ils exigent que leurs ministres soient fouillés, raconte Jean-Marie Janisson, le maître des lieux. Le président d'un pays que je ne nommerai pas fait a même fait installer un deuxième portique à rayons X au pied de son avion pour s'assurer que personne ne transporte une arme à bord.»

Dans les cuisines de la Servair, la hantise n'est pas la même. «Notre cauchemar, c'est trois cents passagers indisposés voulant aller aux toilettes en même temps», glisse un employé. Pour minimiser les risques, haricots, choux-fleurs et flageolets sont proscrits des plateaux-repas. De temps à autre, il faut aussi se décarcasser pour répondre à des demandes farfelues. «Une fois, la femme d'un émir a réclamé deux cents litres de lait de chèvre pour remplir la baignoire de son avion privé!», se souvient un directeur de la Servair.

À dix mille lieux de ces préoccupations, de nombreux SDF hantent l'aéroport, dont trente-six en permanence selon Emmaus. Le plus célèbre, l'apatride Mehran Karimi Nasseri, a même inspiré un long-métrage, Le Terminal, à Steven Spielberg. Il a quitté les lieux en 2006 pour rejoindre un hôpital de Seine-Saint-Denis alors qu'il commençait à perdre la raison. Mais il passe encore de temps en temps à l'agence postale de Roissy pour piocher dans les 300 000 euros touchés pour le film…

«Roissy, un monde secret», par Cyril Azouvi, éditions Denoël, 384 pages, 19,50 €.

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Sûrement un livre passionnant....