Comment la CGT a délogé des sans-papiers
LEMONDE.FR |
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] nviron 150 sans-papiers, qui avaient été évacués, mercredi 24 juin, par le service d'ordre de la CGT de la Bourse du travail, rue Charlot à Paris (3
e), ont passé la nuit, installés sur le trottoir en face du bâtiment, sur leurs matelas posés à même le trottoir, entre le fatras de leurs vêtements et autres ustensiles de cuisine, sous l'œil des gendarmes et CRS.
"C'est le début d'un nouveau Cachan", a résumé Richard Moyon, membre du Réseau éducation sans frontières, faisant référence au squat géant qui avait eu lieu en 2006 dans le Val-de-Marne. La préfecture de police de Paris a confirmé, mais sans donner de chiffres. Elle a indiqué que des forces de police étaient sur place, ajoutant que
"la situation était calme", vers 1 heure du matin.
"ILS ONT GAZÉ TOUT LE MONDE"Quelque 800 sans-papiers occupaient jour et nuit, depuis quatorze mois, la Bourse du travail. Mercredi, vers 12 h 30, alors que le gros des occupants était, comme chaque mercredi, parti manifester place du Châtelet pour réclamer une régularisation, une quarantaine de "gros bras" de la CGT,
"le visage masqué ou cagoulé", arborant des brassards orange, ont débarqué, armés de
"bonbonnes de lacrymo", raconte Djibril Diaby, l'un des porte-parole :
"Ils ont profité du fait que nous étions peu nombreux. Dès qu'ils sont entrés, ils ont gazé tout le monde. Il a fallu sortir."Alertée par des voisins, témoins de la scène et craignant que la situation ne dégénère en altercations, la police est arrivée une dizaine de minutes plus tard, mais sans entrer dans le bâtiment. N'ayant pas de réquisition de la Mairie de Paris, propriétaire, elle a pris en main l'évacuation.
"Nous avons demandé à pouvoir quand même récupérer nos affaires", relève Djibril Diaby.
La police, qui a interpellé des membres du commando CGT, les a remis en liberté. Sur instruction, semble-t-il.
"Après avoir tout tenté par le dialogue, les syndicats CGT ont décidé de mettre fin à cette occupation qui était devenue au fil des jours un squat", justifiait, dans un communiqué diffusé mercredi en fin d'après midi, Patrick Picard, secrétaire général de l'Union départementale de Paris. Il a déploré que
"toutes les propositions pourtant très constructives et d'ordre pratique ont été refusées", alors que la CGT est
"en première ligne pour la régularisation des travailleurs sans-papiers".
RELATIONS TENDUES Depuis le début de l'occupation, le syndicat entretient des relations tendues avec ces sans-papiers,
pour la plupart des travailleurs isolés, employés dans le nettoyage ou la sécurité et rassemblés dans un collectif autonome, la Coordination des sans-papiers 75 (CSP 75), sans jamais vouloir se rapprocher de la CGT pour les demandes de régularisation.
Mercredi soir vers 22 heures, sur le trottoir impair du boulevard des Filles-du-Calvaire, bordé par une quinzaine de fourgons de polices et cars de CRS, les sans-papiers, des hommes, des femmes mais aussi quelques enfants, s'organisaient pour passer la nuit. Les toilettes publiques étant hors service et les forces de l'ordre empêchant de sortir, des couvertures avaient été tendues entre un arbre et deux poteaux de signalisation pour que chacun puisse se soulager.
A proximité, le maire PS du 3
e arrondissement, Pierre Aidenbaum, était pendu à son téléphone.
"Je n'ai pas de lieux pour les reloger", expliquait-il, désemparé.
Laetitia Van Eeckhout (avec AFP)