Un couloir hyper-techno pour repérer les terroristes

Un couloir hyper-techno pour repérer les terroristes

Alternative au système américain qui « déshabille », le Smart Corridor respecte l'intimité tout en identifiant à coup sûr les pièces métalliques et les traces d'explosifs... Première mise en place dans un aéroport : début 2009.

Aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, 13 h 15. Dans quelques minutes, l'embarquement du vol Air France AF 546 à destination de Washington sera terminé. La routine. Mais alors que les derniers passagers accomplissent les formalités d'inspection et de filtrage, la tension vient de monter brutalement. Sur son écran de contrôle, l'opérateur ne peut avoir aucun doute. L'homme qui vient de passer dans le corridor de détection a manipulé récemment des explosifs et porte une arme sur lui. Une boule dans la gorge, l'agent de sécurité ne quitte pas son écran des yeux. A gauche, une photo biométrique de l'individu et son identité apparaissent. Au centre, sa silhouette informatisée présente une anomalie au niveau du bassin, signalée par un graphique rouge. Signe qu'un objet métallique est porté à la ceinture. A côté, le système de mesure numérique des composants explosifs est à son maximum. Enfin, à droite, les contours du suspect, représentés sous forme de pixels, confirment la présence d'un pistolet automatique dissimulé sous ses vêtements. L'opérateur doit alerter les autorités au plus vite sans semer la panique parmi les autres voyageurs qui poursuivent le contrôle. Heureusement pour lui, il ne s'agit que d'une simulation.

En réalité, nous ne sommes pas à Roissy, mais à Palaiseau, au cœur du laboratoire de la division T3S du centre de recherche du groupe d'électronique et de défense Thales, le Thales Research and Technology (TRT), où est testé actuellement un nouveau système de contrôle des passagers : le Smart Corridor.

« Il s'agit d'un ensemble d'appareils qui permettent d'assurer une circulation plus fluide des personnes sur les sites sensibles, comme les aéroports, explique Jean-Luc Zolesio, directeur du comité recherche et technologies de sécurité de Thales. Le Smart Corridor repose sur des fonctions non intrusives et ne produit aucune image détaillée de la silhouette. Tous les capteurs et autres dispositifs de détection sont disposés derrière les cloisons d'un couloir de 4 mètres de long et sont invisibles pour le passager. Son système de vidéosurveillance assure les fonctions de comptage des personnes, de détection des objets abandonnés et de repérage de comportement suspect, telle une personne faisant brutalement demi-tour. » Par ailleurs, le prototype actuellement testé à Palaiseau dispose également d'un équipement lui permettant d'effectuer automatiquement des contrôles d'identité biométriques par l'intermédiaire de logiciels de reconnaissance faciale et de l'iris. Enfin, des capteurs ultrasensibles assurent la détection de matières explosives, même sous la forme de résidus de taille infinitésimale, et d'objets métalliques camouflés sous des vêtements.

A l'intérieur du couloir, on ne sent rien d'autre qu'un léger courant d'air (il permet de capter les molécules). Et une fois passée l'impression légèrement désagréable d'être filmé par plusieurs caméras numériques, on oublie ce qui se passe. Pourtant, on vient d'être littéralement fouillé sous toutes les coutures. Impossible de cacher quoi que ce soit.

Comment est-ce possible ? « Tous les êtres humains émettent des rayonnements naturels, depuis la température jusqu'aux longueurs d'onde, précise Jean-Luc Zolesio. Ce sont ces fréquences spécifiques qui sont enregistrées par notre dispositif. Ce système, qui sera testé en temps réel dans un aéroport au cours du premier semestre 2009, ne révèle pas les contours du corps, respecte la vie privée et est absolument sans danger pour la santé, car il repose sur des technologies passives et non invasives. »

Depuis le 11 Septembre, Etats, administrations, entreprises sensibles et chercheurs du monde entier sont perpétuellement à la recherche de solutions et de systèmes permettant de prévenir les attentats. Au point de dessiner peu à peu les contours d'un univers de plus en plus sécurisé où Big Brother n'est jamais très loin. Particulièrement ciblés par les menaces terroristes, les aéroports apparaissent de plus en plus comme des laboratoires des équipements électroniques et de sûreté qui jalonneront peut-être notre future vie quotidienne.

Une technologie pour simplifier les contrôles

Derniers-nés, les scanners qui, à l'image du Smart Corridor, permettent de voir sous les vêtements. En juin dernier, dix aéroports américains, dont JFK à New York et l'aéroport international de Los Angeles, ont ainsi commencé à installer ces dispositifs de détection à base d'ondes millimétriques. Appelé ProVision, et fabriqué par la société américaine L3Com, ces cabines transparentes se referment complètement sur le passager et « percent » les tissus à la recherche de métaux, céramiques, plastiques, matériaux chimiques ou explosifs. Puis l'image en trois dimensions est transmise à un agent dans une pièce séparée et fermée. L'opération dure quelques secondes et ne présente apparemment que peu de désagréments. Sauf que, à la différence du système français, l'opérateur peut distinguer les formes d'un passager, et notamment des « détails hautement personnels du corps, tels que des traces de mastectomies, des sacs pour colostomies, des implants pour pénis, des tubes cathéter ou la taille des seins ou appareils génitaux », selon les associations américaines de défense des libertés individuelles. Des détails pour le moins gênants...

A Nice, un projet d'expérimentation du ProVision vient ainsi d'être suspendu la semaine dernière après les réserves émises sur cette technologie par la Commission européenne, tant sur la question de l'éthique que sur l'effet des ondes sur le corps humain. Et pour couper court à une controverse de plus en plus violente, Bruxelles a très vite écarté l'idée d'installer ces appareils dans tous les aéroports de l'UE et souhaite se donner plus de temps pour analyser l'opportunité de généraliser ce dispositif déjà utilisé en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et en Suisse, notamment. En attendant, le gouvernement américain a déjà passé commande d'au moins quarante ProVision.

source : lefigaro.fr