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 Les vigiles sans papiers veulent prendre le train de la régularisation

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MessageSujet: Les vigiles sans papiers veulent prendre le train de la régularisation   Les vigiles sans papiers veulent prendre le train de la régularisation Icon_minitimeLun 10 Nov 2008 - 19:13

Les vigiles sans papiers veulent prendre le train de la régularisation
SNCF. Des syndicalistes se mobilisent pour les agents de sécurité d’un sous-traitant.

Solo (1) est en retard. Le rendez-vous était fixé à 20 h 30, gare des Vallées, à la Garennes-Colombes. La nuit est glaciale. Les trains de banlieue déversent leurs flots d’employés aux yeux bouffis par la journée de travail. Parmi eux, enfin, un grand type en tenue de sécurité, rangers, treillis et veste noire pose le pied sur le quai.

Tout de suite, il va pointer auprès de la cheminote qui garde le guichet. Il se fait sermonner pour son retard. «Ça va ?» Solo hausse les épaules. Il ne pouvait pas arriver avant, à cause de son autre boulot. Il se dirige vers son local, un débarras plutôt : une vieille chaise, une table en formica et des portes de casiers rouillées. Autour du cou, Solo a un badge siglé Vigimark. Même logo sur sa veste. Le groupe Vigimark spécialisé dans la sécurité emploie 1 100 personnes. Solo est ivoirien et maître-chien. Le soir, il marche sur les quais des gares de banlieue pour rassurer les usagers. Qui se douterait qu’il n’a pas de papiers ?

Malinois. Un système de codes-barres sur des bornes permet de vérifier qu’il effectue bien ses rondes. Il embauche à 19 heures et finit autour de 2 heures, lorsque les trains ne circulent plus. Il se débrouille pour rentrer en bus de nuit. Un planning lui indique dans quelle gare se rendre le soir. Mais, souvent, le programme change. «On est malléables à souhait. On nous appelle tous les jours», racontent les sans-papiers. Et quand ils sont trop loin pour rentrer avec un bus de nuit, ils attendent la navette. Si elle ne passe pas, ils dorment en plein air, «sur les quais, s’il n’y a pas de locaux». Solo raconte aussi qu’on lui ponctionne sur son salaire «100 euros» de pénalités à partir d’un quart d’heure de retard. Tout ça pour un salaire d’environ 8 euros de l’heure.

Il n’a aucun des certificats nécessaires pour pratiquer le métier d’agent cynophile de sécurité. Son malinois, Solo l’a obtenu très facilement auprès d’un dresseur complaisant. Parfois, pour dépanner, il le prête, mais il n’aime pas trop… Est-il à l’abri d’un contrôle du chien ? «Oui, oui.» Il fouille et sort des documents. Le chien a des papiers.

Deux semaines plus tôt, gare de la Défense, 21 heures. Dominique Malvaud, syndicaliste à Sud-rail attend près des guichets. A ses côtés, un autre syndiqué et trois maîtres-chiens sans papiers. Dominique Malvaud explique : «Avant 2004, la présence sur les quais de gare était assurée par deux agents de la SNCF. Ils faisaient l’information et l’accueil.» Dans chaque gare, un poste a été supprimé pour être remplacé par un agent de sécurité. Un travail sous-traité à Vigimark et à d’autres sociétés. Vigimark opère notamment sur le réseau transilien de la gare Saint-Lazare et celui du RER D. Des réseaux qui comptent une centaine de gares chacun. En tout, l’entreprise détient aujourd’hui douze contrats avec la SNCF, assure sa direction.

Main à la main. Récemment, des agents de sécurité sont venus trouver le syndicat. «Ils ont dit : "On est sans-papiers." On leur a demandé leurs bulletins de paie. Ils ont répondu qu’ils n’en avaient pas. Ils sont payés par virement ou par chèque, de la main à la main. Ils nous ont aussi dit qu’ils ne travaillaient pas pour Vigimark mais pour un autre sous-traitant qui leur donnait les vêtements Vigimark.» Le sous-traitant sous-traite. La pratique est courante dans le secteur et la chaîne peut parfois aller jusqu’à trois ou quatre sous-traitants. Pour prouver la réalité de leur travail et obtenir des bulletins de salaire aux prud’hommes, les sans-papiers disposent des témoignages des cheminots avec qui ils passent leurs nuits, de leurs vêtements de travail, de leurs badges et de photocopies de virements bancaires (que nous avons pu voir). Ainsi, Solo a un badge Vigimark sous un faux nom, un planning émis par une autre société, et des virements effectués par une troisième.

Combien de sans-papiers travaillent pour la SNCF ? Ce soir-là, à la Défense, ils n’étaient que trois, mais «beaucoup n’osent pas encore nous rejoindre», affirme Solo.Vendredi 31 octobre, vers 15 heures gare Saint-Lazare, ils sont une dizaine d’autres sans-papiers en tenue de vigile à manifester avec lui. «Nous voulons nos papiers, nous voulons nos salaires, Vigimark nous les doit», indiquent les pancartes qui leur pendent autour du cou. Avec des syndicalistes, ils investissent les bureaux de la SNCF pour rencontrer le directeur régional, Philippe Hetzel. La rencontre se fait dans un couloir. «C’est une première mise au point», indique Dominique Malvaud au cadre. «Vous avez des sans-papiers qui travaillent pour l’un de vos sous-traitants.» Philippe Hetzel se défend : «Je n’ai aucun moyen de le savoir. Je n’ai pas le droit de demander les papiers. Seule la police le peut.» Les sans-papiers obtiennent un rendez-vous pour témoigner de leur situation.

Quelques semaines plus tôt, alerté par le syndicat, la SNCF a prévenu le procureur de la République et mis en demeure Vigimark de donner les noms des personnes travaillant sur les quais ainsi que leur employeur. «Nous avons une suspicion de sous-traitance par une entreprise avec laquelle nous avons un contrat. Une sous-traitance avec des travailleurs en situation irrégulière. Il y a des choses bizarres. C’est une affaire qui empoisonne tout le monde», reconnaît Philippe Hetzel.

«Au courant». De son côté, Vigimark dément. «Toute embauche est déclarée à la préfecture», assure Valérie Figielle, de la direction générale. Une sous-traitance ? «Je ne peux que démentir.» Mais un délégué syndical de Vigimark qui tient à rester anonyme confie qu’«il y a un paquet de gens qui travaillent en sous-traitance avec des badges Vigimark. Tout le monde est au courant. Personne ne dit rien.» Le syndicat Sud-rail envisage une grève avec occupation des locaux afin d’obtenir des promesses d’embauche de Vigimark et présenter ensuite des dossiers de régularisation par le travail.

(1) Surnom qu’il nous a donné.

source : liberation.fr
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